Je ne sais par quoi commencer à parler, si l’occasion me le permet, de ce mois sacré que Dieu a prescrit
à la communauté musulmane comme il a été prescrit aux gens précédents. Au cours de ce mois-ci, tout
le monde a l’air pressé. Certaines personnes ont le pressentiment que quelque chose va se produire.
Bigre ! D’autres sont pressées les unes contre les autres, sur le pied de guerre. Le mode de vie quotidien
a automatiquement changé. La situation sociale des citoyens m’a profondément éberlué. La cherté de
vie, a agi avec violence. Abasourdi, le consommateur se sent abattu par cette crise financière. « Est-ce
une année de disette ? » Se dit-il. Ce qui m’étonne encore, ce sont les moments de presse. C’est un
phénomène de voir ce qui se passe au vu et au su de tout le monde. Au marché, les gens se bousculent,
se précipitent aux pieds des enfants, des dames, des vieillards sans raison précise. C’est tout simplement
pour une piètre emplette. C’est précisément à cause de cela qu’on se pousse en foule furibonde et avec
un air boursouflé. A l’intérieur du bazar, c’est un monde en effervescence. Des myriades de cris aigus,
de voix vibrantes émanent de tous les coins du souk. Quel théâtre sonore ! Les marchands de fruits, de
verdures, de poissons font tous la vente à la criée. On ne peut y rester longtemps. Pour acheter quelque
chose, il faut faire le pied de grue. On se dispute pour de simples raisons. On va de ça, de là, sans but
précis. Là-bas, de mauvais types se bagarrent pour une bagatelle. D’autres, l’air courroucé se querellent
pour une peccadille. Sans l’intervention de leurs camarades, il se passerait un drame sanglant. Rapides
comme l’éclair, ceux-ci parviennent à vider vite l’abcès. Juste après la séparation, beaucoup d’insultes
s’abattent sur leurs visages tout égratignés. Certains en s’épongeant le front, ne cessent de faire de drôles
menaces à leurs adversaires. Cela prouve qu’on aimerait faire un scandale dans un lieu public. C’est
dégoûtant ! quelle routine ! Le va et le vient des piétons excite un malentendu. Des fois, ils mènent à la
dispute qui dégénère sur- le champ en rixe. Voilà une humeur peccante qui se propage à cause peut-être
d’une bévue de langage. On a un soupçon de ce qui se produit ! Tout le monde n’est pas satisfait de ce
qu’il entend dire par ces voyous. C’est bizarre ! C’est vraiment du cinéma ! En ce cas, il faut aller à pas
mesurés sans parler à personne car l’homme actuel s’inquiète et s’électrise de minutes. Dès qu’on le
touche, il explose comme une bombe. Il se met immédiatement à enquiquiner toute personne voulant
apaiser sa colère. On essaie maintes fois de le calmer, mais en vain. Le téléphone portable bien placé sur
son oreille, il avance comme un vagabond sans oser regarder derrière lui pour demander pardon aux
gens qui ont essayé de le sauver. Il continue sa navette sans se rendre compte de ce qui vient de se
passer. A bout de forces, il continue à blâmer n’importe qui sans vergogne comme s’il faisait le carême
par force. Tous les regards se fixent sur lui en l’invectivant à foison à cause de son rôle abusif. N’est-ce
pas un affront ? C’est faramineux ! On en a marre de tout cela ! Il y a des types qui refusent de saluer les
gens mêmes leurs compagnons ; ils les regardent souvent de travers, ils leur tournent le dos, ils les épient
comme un animal qui épie sa proie. Ils s’en fichent. Ils disent qu’ils sont à jeun et qu’il vaut mieux les
fuir. Selon mon opinion, c’est là qu’ils commettent une action répréhensible. Qu’entendent-ils par là ?
Est-ce à cause du jeûne qu’ils font mauvais visage à leurs coreligionnaires ? Ou, est-ce qu’ils sont issus
d’une autre génération que la nôtre ? Pour cela, ils doivent améliorer leurs relations pour se tirer de cette
situation délicate. A quoi sert de se mordre les lèvres, de brûler les étapes, de broyer du noir, d’outrer
les faibles, d’être méchant envers eux ? Sachons que la précipitation entraîne des regrets. Se mettre le
doigt sur l’œil, c’est jeter son bonnet par-dessus les moulins. Regretter ou vociférer des injures suscitent
des problèmes divers et conduisent au désespoir. On dit : « Qui va lentement, va sûrement ». Il faut donc
savoir conduire bien sa barque. Chaque jour, des nouvelles se répandent : crime, vengeance, viol, suicide
escroquerie, vol à la tire, à main armée, kidnapping, prostitution etc. C’est tout un événement. Cela me
ronge le cœur. Comme c’est choquant ! Je ne sais où porter mes pas. A travers toute cette intrication de
problèmes, je me borne à dire que c’est une commotion du cerveau. Ceci est vrai puisque l’insouciance
mène à la ruine, à la chute, à la détérioration. De facto, pour défaire le nœud, vaincre les difficultés, il est
loisible à quiconque désire réaliser ses rêves d’éviter les faux serments afin de se débarrasser de la
médisance, du mensonge, de l’hypocrisie. Je pige que c’est un conflit qui peut mener où l’on veut aller
car pour chaque mal, il y a un remède. Mais être misanthrope ou misogyne, c’est haïr les deux sexes.
Donc ceci n’est pas de mise. On dit que le remède à l’ennui, c’est la curiosité. Celui qui n’a jamais eu
confiance en personne ne sera oncques déçu. Sentant l’approche de la rupture du carême, hommes et
femmes, garçons et filles courent à toute bride portant avec eux des sacoches ou des paniers pleins de
légumes et de fruits. Rompus de fatigue, ils hâtent le pas afin d’arriver chez eux avant le coucher du
soleil. Les véhicules roulent à une vitesse illimitée. Leur encombrement gêne la circulation pédestre. l
Leurs klaxons déchirent les cœurs. Quel embouteillage ! Soudain une idée macabre me trotte dans la tête
Comment pourrait-on organiser ce service et à qui incombe-t-il ? Je vois que c’est un fléau qu’il faut
combattre. Passons au rôle des femmes. Devant les épiceries, à la queue leu leu, elles craquent le marmot.
D’autres à bout de course, le visage draconien quittent ces boutiques en toute hâte pour aller faire leur
commission ailleurs. Elles dépensent beaucoup d’argent pas comme d’habitude comme si le commerce
allait faire faillite. Ces dames brûlent la chandelle des deux bouts. Elles crèvent de jalousie, brouillent
de colère et bavardent sans cesse comme une nuée d’oiseaux qui emplissent l’air par leurs gazouillis.
Que c’est étrange ! A quoi sert de gaspiller son argent pour remplir le frigidaire de toutes sortes de
nourriture ? N’est-ce pas un cas pendable ? Je sais pertinemment que le but de ces dépenses inouïes, est
de garder le réfrigérateur plein par-dessus les bords. Est-ce que le monde va prendre fin ? D’autres se
faufilent à travers la foule pour aller voir dans un autre coin ce dont elles auront besoin tout à l’heure.
L’air pressé, l’esprit brouillon, elles fraient le passage comme si elles avaient du pain sur la planche. Je
me demande : Est-ce que les courses ne se font que pendant le mois de Ramadan ? Les boutiquiers ne
sont pas les mêmes ; certains les accueillent à bras ouvert, d’autres les reçoivent à bras raccourcis, ce
sont peut-être des marchands malhonnêtes. C’est à cause de la façon dont ils traitent leurs clients qu’on
les liquide très souvent. Ceux-ci passent des journées infernales. Les voilà qu’ils broient du noir. Leurs
fruits et leurs légumes, à la mie du pain commencent à s’abîmer jour après jour. Et du pourrissage à la
poubelle. Dès l’entrée du bâtiment couvert par une voûte préfabriquée, une odeur nauséabonde emplie
nos narines. Le complexe sent mauvais. A l’extérieur, quelques dames, avec un visage de marbre vont et
viennent, bavardant à cœur ouvert, riant aux éclats. Les vieilles avec une face de carême s’en vont vaquer
elles aussi à leurs affaires. Les laiteries, les boucheries, les poissonneries, les pâtisseries grouillent de
monde. Des hourras vibrants éclatèrent de partout. Quel brouhaha ! C’est du comble ! Tout est cher en
dépit de l’étalage. Le marché regorge de marchandises de toutes sortes. On dirait un train regorgé de
voyageurs. Les étalagistes quoique les prix soient excédents servent gentiment leurs clients. Les magasins
les boulangeries sont plein à craquer. On attend jusqu’à quand vont fléchir les prix .Les trottoirs, les rez-
de chaussée, les bordures fourmillent. On dirait l’entassement des débris malgré la chaleur torride, le
jeûne austère, le remous des foules Le tohu-bohu remue les cœurs. Le consommateur fait des dépenses
imprévues malgré l’augmentation des prix. Où est le rôle des contrôleurs ? A quoi sert de faire la sourde
oreille comme si de rien n’était ? Voilà pourquoi on trouve les gens toujours en effervescence, menant
une vie agitée. Une idée funèbre me tarabuste devant cette foule humaine. Ici, on se bouscule, là on se
serre pour pouvoir frayer son chemin. Là- bas, c’est du brouillage. Les cris stridents des vendeurs brûlent
les têtes des gens. Quel embrouillamini ! Et à tous les échos bavards, c’est le même tapage, le même train
la même rumeur. Quel bruit confus ! Quand on sort du marché, on devient presque sourd. On a l’ouïe un
peu lourde. Quelle surdité ! On avance à tâtons comme si on avait un voile devant les yeux. N’est-ce pas
une vie de galère ? Va-t-on mener cette vie de galère durant toute la vie ? Vogue la galère ! « C’est à la
sueur de ton front que tu gagneras ton pain » a dit le bon Dieu à Noé. Le soir, on rentre chez soi le cœur
brisé, la tête vertigineuse, le front ridé, les tempes bourdonnantes. C’était pour avoir travaillé hardiment
durant toute la journée. Quelle exténuation ! Avant le coucher du soleil, tout le monde se dirige vers les
mosquées pour y accomplir leur devoir religieux. A la tombée de la nuit, on y retourne pour achever les
prières à pause, prières faites les nuits de Ramadan, derrière un seul Imam. Celui-ci fait la lecture
coranique à haute voix pendant que les priants l’écoutent avec soumission et humilité. Cela dure jusqu’
à la nuit du destin. Après cette prière, chacun vaquera à son boulot. Les hommes s’occupent de leur
commerce, les femmes occupent leurs loisirs à faire un tour dans la ville en compagnie de leurs voisines,
en divulguant tous leurs secrets, en allant ça et là, cherchant à absorber une goulée d’air. Les vieilles
dames avec un visage de marbre, courent les rues sans un moment de répit. D’autres, l’air rechigné sans
le sou peut-être font la file devant les portes des pâtisseries et celles des boulangeries. Elles veulent qu’
on leur vienne en aide. Les trop âgées, en avalant leur langue, attendent que les alouettes tombent toutes
rôties .La plupart d’entre elles gobent tout ce qu’on leur dit. On trouve plus de femmes que d’hommes
partout. La circulation des piétons dure jusqu’à minuit. Celle des véhicules devient gênante. On passe de
belles soirées à prendre des boissons fraîches dans les cafés. En plein jour, la foule se disperse. Quand
vient la chute du jour, elle se rassemble. On se prépare pour la rupture du jeûne. Les portails de toutes les
mosquées restent ouverts toute la journée. Les vieillards encore lestes ne manquent pas d’y aller. Ceux
qui ont l’âge mûr déploient une énergie extraordinaire pour y arriver avant l’appel à la prière quand
même ils sont pratiquement incapables de se déplacer. . En fin de course, tout se passe à merveille.
J’apprécie le rôle de la femme qu’on trouve constamment dans la mosquée en train de lire le Coran, de
prier, de louer Dieu. J’approuve la conduite de cette dame unique en son genre. Ah !si toutes les femmes
étaient sur le même chemin ! Voilà comment se déroulent les événements pendant le mois de Ramadan.
Avant qu’il tire sur sa fin, les parents vont dans les supermarchés pour acheter de nouveaux vêtements à
leurs enfants. Dans chaque magasin, il y a un vestiaire ou un isoloir pour l’essayage. Les filles préfèrent
des robes nouvelles, les garçons choisissent des habits à la mode. D’autres les acceptent sans choix, des
fois à l’article de choix. L’achat se fait par vente au comptant, à tempérament, à crédit. Les riches
achètent au prix de grandes pertes. Les moins riches à vil prix. Les pauvres qui ont peu d’argent rentrent
chez eux bredouille Leurs petits rôdent autour d’eux, l’air maussade. Bientôt ils se mettent à pleurnicher.
Leurs mamans arrivent à l’instant, elles les font taire en leur faisant de belles promesses, en leur offrant
quelques pièces de monnaie. La veille de la fête de l’Aïd Esghir, garçons et filles sautent de joie .Le mois de ramadan a plié ses bagages. Plus de carême, plus de faim, plus de soif maintenant. A leur retour de la
chapelle, lieu réservé à la prière en dehors de la mosquée, les priants, les priantes s’embrassent fort.
Les familles se réconcilient avec leurs voisins ou leurs proches. Ceux qui se sont mal conduits ou qui ont
offensé leurs camarades, peut-être même leurs parents se hâtent à leur présenter leurs excuses avec leurs
vifs et meilleurs sentiments de bonheur, de santé, de prospérité et de longévité. Ça y est ! Le nuage s’est .dissipé. Il faut oublier le passé, ouvrir une nouvelle page pour que chacun reprenne son collier. Pendant
le mois de Ramadan, il ne faut mépriser personne. Au contraire, il faut l’aimer, le soigner s’il tombe un
jour malade, l’aider et non pas le traiter sauvagement. Voilà, c’est tout. Que Dieu me pardonne !
Poème à propos de ce mois-ci (suite)
Ramadan est un mois céleste, sanctifiant, sacré.
Une période où on s’empêche de dire des insanités
Un moment propice où on s’abstient de boire et de manger.
En attendant la rupture du jeûne avec avidité
Il est parti mais avec un retour pour l’an prochain.
C’est la saison où le jeûneur bat son plein
C’est un soulagement, une protection à notre corps sain.
Une vidange de l’estomac, un remède qui guérit notre chagrin.
Il nous a quittés à l’improviste.
C’était comme le séjour d’un touriste.
Dès l’aurore jusqu’au coucher du soleil.
On fait le carême, l’air guilleret, l’esprit en éveil.
On passe la journée à lire le coran, à prier et à louer Dieu.
C’est un mois de dévotion pour les jeunes et pour les vieux.
Un mois d’adoration, de soumission, d’humilité.
Puisse Dieu nous faire entrer dans son Paradis.
Nous implorons candidement son éternelle aurore.
Qu’il entende nos prières et nous offre son accord.
Ses meilleures journées étaient un réconfort.
Ses nuits blanches étaient un grand bonheur.
Il est passé comme l’éclair
C’était une effusion de lumière.
C’est dans ce mois que Dieu a fait descendre le Coran.
Pour le lire, le comprendre, l’apprendre toute sa vie durant.
Ses dix dernières journées sont consacrées à la retraite rituelle.
Que l’on fait à l’intérieur des mosquées selon la tradition continuelle.
Son heure précise était venue pour nous corriger.
A fin que Dieu pardonne nos péchés et exauce nos litanies.
C’est une très bonne occasion qu’il faut retenir.
Et un moment opportun pour les égarés de se repentir.
Moumni, ancien instituteur, demeurant à Zaio, Province de Nador, Maroc
Date : le 28 mars 2024