En allant au marché un beau matin du mois de juin qui vint de s’écouler, j’avais rencontré sur mon chemin des groupes de
gens qui jasaient comme des pies. Ils parlaient tous à la fois comme si une guerre allait éclater. C’était effarant, écrasant !
Certains marchaient en se bousculant, d’autres riaient aux éclats. C’était pour moi surprenant, impressionnant ! Quelle
démence ! Mon cœur se mit à battre promptement. Une nuée d’idées obscures embrumaient ma mémoire. Je trouvais
des difficultés à avancer même d’un pas. Le sang commençait à fourmiller dans mes veines. Un blocage musculaire
m’empêcha des fois à faire de vaines démarches. Mes poumons se gonflaient d’emblée. Après un repos de quelques
minutes sous l’ombre d’un arbre, je me mis en route vers le souk en hâtant un peu le pas. On affluait de partout. Je me
posais à tout le temps un tas de questions. Pourquoi ces gens se rassemblent-ils çà et là ? Est-ce une préparation pour
les élections ou est-ce des préparatifs de guerre ? J’ignorais totalement le curieux de l’affaire. Je voulais savoir de quoi
il s’agissait. J’essuyais la sueur qui coulait sur mon visage car il faisait une chaleur torride comme si on était en plein été.
Me voilà maintenant devant une foule qui colportait de fausses nouvelles qui ne causaient que des ennuis, que du bluff
Chacun parlait à sa façon. On gesticulait, on racontait des choses surannées. C’était comme des menaces. (Vous allez
voir, vous allez le payer cher, attendez que les alouettes tombent toutes rôties, vous allez tous broyer du noir. On ne
parlait que de la fête de laid el Kabîr. On ne pensait qu’à la journée où on allait voir la bête qu’on devrait acheter selon
l’argent qu’on portait dans sa veste. Le débat était houleux, une affaire de conséquence. C’était une chaude affaire à dire
vrai. Tout le monde était affairé, fâcheux. C’était pour la majorité des gens un combat ardent. E n m’approchant d’une
parcelle de terre immensément large, j’aperçus un nouveau monde qui faisait la navette au milieu de plusieurs moutons
qui avaient été réservés à la vente, dès le début. On discutait les prix rudement. Le soleil tombait d’aplomb, la chaleur
asphyxiante étouffait les gens. Le souk grouillait de monde. La vente bestiale augmentait automatiquement. Des fois,
elle baissait comme un fleuve. Chacun achetait sa proie selon l’argent qu’il possédait. A chaque moment, je me trouvais a
au milieu d’une autre cohue. On dirait (Un magasin qui fait foule) j’avais un rendez-vous avec un ami qui m’avait promis
de venir m’aider à m’acheter un mouton d’après le montant de mon argent. Alors il fallait croquer toujours le marmot.
A cause du brouhaha, je n’entendais absolument rien, j’avais les oreilles bouchées, la tête lourde. Le temps se passait vite.
Je devais courir ma chance pour acheter moi aussi ma bête dont je rêvais depuis une année mais tout était ruineux. Mon
visage ruisselait de sueur. Quelle imbibition ! Je cherchais un moyen d’échapper à la bouffée mais en vain. J’étais comme
un insecte qui voulait échapper à la vue. Puis avec un grand effort, j’avais pu enfin sortir de ce labyrinthe. J’étais comme
un prisonnier qui vint de s’évader de son cachot car l’argent que je portais ne me suffisait pas à acheter le mouton parce
que la cherté des prix avait dépassé les limites extrêmes. Alors il fallait attendre les jours suivants. Peut-être les ventes
seraient en baisse. Personne ne savait ce que l’avenir allait nous réserver. Les gardiens des bêtes se montraient fâchés,
pointilleux. Ils défiguraient quiconque mettait sa main sur le dos de son animal. Certains refusaient même de répondre
aux questions de leurs clients .Avec des mots crus, le regard hallucinant, ils faisaient la sourde oreille. (J’avais entendu
un berger dire aux paysans : (A quoi sert de parler sans motif, le prix est fixe ; ne continuez pas à nous agacer chers clients
s’il vous plait, celui qui n’a pas envie d’acheter ne caresse pas la bête car s’il la touche maintes fois, elle perdra sans nul
doute son équilibre. Alors il vaut mieux qu’il s’éloigne au lieu d’effarer les bêtes. Soudain, j’aperçus de gros moutons
corpulents comme des bœufs se donner de vive force des coups de cornes. Personne ne pouvait les séparer car ils étaient
prêts tous les deux à encorner quiconque s’approcha d’eux. Mais armés de longs bâtons flexibles comme des cravaches
deux paysans arrivèrent à l’instant, commencèrent à les fouetter et arrivèrent à les découpler en peu de temps. Bravo !
Les fellahs étaient des éleveurs robustes. Sans leur intervention, les deux bêtes se seraient tuées .En fin de compte,
chaque berger prit son bélier par les cornes et l’emmena ailleurs. C’était pour le vendre ou pour le garder avec ses
compagnons .j’étais devenu sourd. Je n’entendais absolument rien à cause du bêlement du bétail .Quelle musique
affreuse ! C’était un vrai cassement de tète. Les chèvres, les brebis, tout béguetait. Quel chevrotement ! Les preneurs
tâtonnaient la bête qu’ils voulaient acheter en discutant son prix rudement .Mais avant, ils la soulevaient, lui passaient
la main en dessous, lui ouvraient la gueule tout grand, jetèrent un coup d’œil à l’intérieur de ses babines, lui touchaient
les oreilles, la queue, les yeux, les cornes et même les pattes. Après ce contrôle strict, vint le tour de son prix. La vente
n’était pas discutable. Je me posais très souvent un amas de questions : est-ce une année de disette ? Pourquoi toute
cette croissance de prix ? Il a été dit 🙁 celui qui n’a pas d’argent en poche qu’il ait au moins du miel en bouche)
(Morte la bête, mort le venin) a dit un ancien adage. Quel malheur ! Avec un peu d’espoir, le besogneux participera lui
lui aussi avec ses camarades déplorables au grand Baïram In- cha-Allah. Notre grand Seigneur ne va démunir personne.
Voilà une personne qui avançait avec une poignée de terre dans l’une de ses mains. Il ne tardait pas à en parsemer le
dos d’un mouton tondu de frais. Ce signe voulait dire que l’animal a été vendu à l’avance. Je n’oublie pas le rôle de la
femme. Elle était toujours du côté de l’homme. Elle va, elle vient, elle cherche, elle choisit, elle marchande, elle achète,
elle paie en tonitruant comme une indienne. Je fus éberlué devant cette scène magique. Bravo chère dame ! Et mille
fois bravo. Tu es vraiment capable de faire cela, tu es incontestablement apte à tout. Garde ton courage continûment.
Voilà mon meilleur conseil que je te donne. J’avais la tête lourde à cause du bourdonnement. Quel froissement ! J’avais
le visage baigné de sueur, ma mémoire bouillonnait de colère. La bête que je désirais ardemment n’était pas encore
arrivée. Alors il fallait faire le pied de grue. N’était-ce pas une effervescence populaire ? Quel effroi ! Il a été dit qu’avec
un peu de patience tout s’arrangera. Va-t-on donc célébrer la fête comme les années précédentes ? Que va-ton faire pour
triompher de ces difficultés qui sont un embarras pour les gens qui manquent d’argent ? C’était pour la majorité des
individus des jours sinistres et miséreux. Avec une somme d’argent médiocre on ne pouvait acheter qu’une brebis maigre
et chétive. Quelle surprise désagréable ! C’était le citoyen qui avait subi les contrecoups. Perdu dans ses réflexions, il alla
voir dans un autre coin. L’air triste, celui-ci avança parfois en rampant. Il ne savait à qui se plaindre. Quelle avanie ! Il
cherchait à tâtons son mouton qu’il allait offrir en sacrifice comme tous les musulmans .la vente du bétail augmentait
graduellement. Le pauvre client claquait des dents. (Vais-je participer moi aussi à la fête minutieuse ?) dit-il en son for
intérieur. Il voyait le jour du sacrifice comme un empire gigantesque ou comme l’altitude d’une haute montagne. C’était
à ses yeux un long chemin interminable. Un copain m’avait dit qu’il avait serré mille fois la ceinture de son pantalon.
Il disait qu’il était comparable à un détenu à qui on passait une barre de fer dans la bouche avant de le fouetter. Cela
signifiait que les gardiens du bétail traitaient les gens cavalièrement, sans oser même le regarder. Quelle arrogance !
Chaque fois qu’on entendait un fellah appeler les gens à s’approcher de ses bêtes, on arrivait à toutes jambes de tous les
endroits mais hélas ! Les montants allaient à tout le temps en croissance. C’était dommage ! Quel redoublement !
C’était le pilier d’une croissance durable, c’était la lourdeur de la peine. Malgré qu’il fût choqué, l’acheteur ne perdait
pas l’espoir. Il continuait à chercher sa proie si l’expression convient ici comme un lion affamé. Il avait décidé qu’il ne
revenait plus chez lui bredouille. Toujours rechigné, il alla à la ronde, commença à disperser les troupeaux de moutons
à la hâte. Incapable de disperser le rassemblement, il doublait ses efforts afin de faire disparaitre ses craintes, son émoi.
Le brouillard vint d’échapper à ses regards. Aura-t-il encore une chance ? Pourquoi pas ? On dit : (qui cherche trouve)
C’était pour lui et pour nous tous une occasion agréable. (Sois –nous propice cher berger) ne nous mets pas l ‘épée dans
les reins .Quelques citoyens se faufilaient encore à travers le bétail ; d’autres passaient comme les éclairs. On entendait
de très loin l’écho bavard des voix des maitres de bétail qui résonnait mal dans les têtes de tout le monde. C’était des
moments catastrophiques pour les gens qui n’avaient pas beaucoup d’argent, qui voulaient qu’on leur vint en aide.
C’était pour ce genre de derviches un coup très dur dont ils souffraient atrocement. Cette année avait été différente à
Celles d’antan. On faisait la vente à la criée comme les marchands de poissons. On riait à se scier la gorge. Les pasteurs
appelaient les citoyens à venir choisir la bête qu’ils désiraient acheter.je vous apprends chers lecteurs et chères lectrices
que le jour de la fête, les priants se sont dirigés hommes et dames en compagnie même de leurs enfants vers l’oratoire
habillés tous de vêtements neufs pour y faire la prière de l’Aïd el Kabîr, c’est-à dire y accomplir le devoir religieux. Après
l’achèvement de ce service consciencieux, on s’embrassait, on se serrait la main, on se pardonnait ; des fois on pleurait
pour avoir fait du mal à quelqu’un. Enfin chacun retournait chez lui pour immoler. C’était la fin de l’événement qui était
pour moi comme un conte de fées. Je continue mon historiette. C’était tout à fait un fait divers mais tout s’était passé
comme dans un rêve. Aux yeux de l’avenir, c’était des heures cuisantes. Le film de la mésaventure était catastrophique
à dire vrai. Tout a été fait le plus vite possible. Malgré les inconvénients suivis de moments horribles tout allait droit au
but. Les fellahs se sont agités car c’était pour eux un feu d’enfer et pour les nécessiteux un coup de foudre. Quand on
manque d’argent, on voit tout en noir. On se sent sur la braise comme un malade qui sent le sapin. S’il s’écarte du bon
chemin, il ne sera jamais en sentinelle. On dit qu’il faut toujours utiliser de l’eau bouillante pour boire un bon verre de thé
Sinon, c’est l’effarement ! C’est l’effondrement de ses espérances. La situation deviendra une chose stérile à laquelle on
ne trouvera plus de solution. Elle nous fera souffrir de l’acuité de la douleur car l’acerbité des paroles à mon avis n’est
rien. C’est comme la pomme d’Adam ; on peut la rejeter sans peine. Il a été dit que si l’argent manque quelqu’un que
celui-ci cherche, essaie, tente sa chance, ne se laisse pas vivre dans la dissipation car la dissémination des idées lui
ouvriront la voie pour le mener vers un bon avenir comme on conduit un enfant à l’école. Ores ce sera la conduite au
désespoir. Voici un petit conseil que je te donne cher lecteur : conduis bien ta barque avant que l’insouciance ne te
conduise à la ruine. Je te garantis une vie pleine comme un œuf. Alors il ne faut pas compter sur les protestations
platoniques. Elles ne te serviront à rien. Ne perds pas l’occasion. Ne mène pas ta vie à grandes guides, ou ne conduis pas à grandes guides. Remets-toi, ne t’inquiète pas ; la vie est ainsi faite. Passe la vie selon tes besoins. Voilà c’est tout. La fête s’est passée, le tambour a battu mais l’histoire restera ancrée dans notre mémoire tant que le cœur nous battra. On dit : Après la pluie, le beau temps. Après la tristesse vient la joie. Les jours passent chaque jour. Le bateau a coulé comme le sang qui coule dans les veines ; plus de plainte maintenant, tout a été bien réglé, bien organisé. Le prophète Ibrahim avait
répondu à l’appel de son Seigneur, son fils Ismail lui avait obéi mais avant de lui couper la gorge, Dieu lui envoya un
gros mouton du Paradis C’était un bouc émissaire .quelle protection ! Quel soutien ! Si le prophète avait massacré son
fidèle fils, le dé serait jeté jusqu’à nos jours ou plutôt jusqu’au jour de la résurrection. Soyons sûrs et certains. On nous
aurait abattus d’âge en âge comme l’aigle qui s’abattit sur sa proie. Chaque année des millions de personnes auraient
donné leur vie obligatoirement à cause de ce service religieux. L’immolation serait un acte de soumission, d’obéissance,
de discipline. Personne ne pouvait refuser de se sacrifier à cette noble cause. Nous remercions infiniment le bon Dieu
qui avait pitié de ses créatures en leur sauvant la vie jusqu’à la fin de ce monde. Avant de conclure mon histoire, je vous
rappelle chers lecteurs et chères lectrices que la vente des bêtes à cor et à cri avait filé la venelle. Plus d’émoi, plus de
soucis , plus d’emmêlement pour le moment. Les rivières ont repris leurs cours, les citoyens se sont réconciliés comme si
de rien n’était. Dieu merci pour nous avoir sauvés de tous les périls qui menaçaient notre vie humaine. Dieu me pardonne
Ce qu’a vu Ibrahim en songe a été une réalité. C’était pour lui un essai, une épreuve de la part seigneuriale .Le bon Dieu
avait sauvé l’âme de son fils en lui offrant un mouton qui était un moyen efficace par lequel Ibrahim avait atteint son but
Ecrivain : Moumni A, Enseignant retraité, Demeurant à Zaio, Province de Nador ; (Maroc)
Bravo monsieur moumni,très bon récit conçu avec un style que les lecteurs enjouissent.
Mais comme je vous l ai déjà dit essayez de fraguementer le récit
En tout cas je vous félicite et bon courage
C’est vraiment formidable