Une vie sans tire ch.6 Abdelhamid elbadaoui
Comme prise par un démon, elle s’irrita et cria férocement le nom de sa fille dans une rage infernale. Elle courut dans tous les sens, invoquant tous les saints, interrogeant les passants, les marchands ambulants, les garçons de cafés, les patrons des restaurants.Elle va dans tous les sens,gesticulant,monologuant,s’arrêtant puis repartant de plus belle.
H.la folle, retourna à sa place et s’adossa contre le mur, les jambes écartées, les bras pendants. Silencieuse. Seules deux larmes restèrent perchées dans ses bas-joues. Ce fut un choc terrible pour elle ; peut-être le plus terrible qu’elle eut connu depuis la disparition du reste de la nichée. Elle comprit que désormais elle serait vouée à la solitude…une nouvelle condamnation !
Plusieurs semaines passèrent et la malheureuse B. n’a donné aucun signe de vie. Sa mère a vite plié la page de ce nouveau chagrin quoique la nouvelle eût fait la une des citoyens. Elle n’a même pas fait de déclaration ! mais à quoi bon ?…. Primo, les fous s’en fichent de cette alternative, secundo, ils ne sont même pas recensés.
S’agit-il d’un enlèvement ? S’il en était ainsi, quelle rançon les ravisseurs demanderaient à H. la folle ? Apparemment, ce qui intéresse les malfaiteurs est bien plus fort et plus profond qu’une valeur pécuniaire…Eh entracte mes chers amis et suspens; allez boire un coup ou fumer une clope ou prende de l’air et revenez pour écouter la suite. Eh ! rassurez-vous, moi non plus, je n’aimais pas ces façons de faire. J’ai toujours déploré qu’on interrompe le film pour faire passer de la pub.Pour le coup, dieu sait combien d’insultes je lancais à tue-tête et sans même pas savoir qui offenser par tous ce chapelet d’ injures… seulement la technique narrative voudrait bien que le narrateur suspende son récit pour le ralentir et lui donner plus d’attrait. Quoique parfois cela parasite le rythme du récit et devient pour ainsi dire aussi intempéstif que moi avec vous en ce moment…
Après l’éclipse d’une semaine, un soir, elle réapparaît au seuil de la porte du petit restaurant du quartier nouveau. O le drame humain ! B. complètement nue ! Une scène qui horrifia tout le monde. Les clients du restaurant se levèrent dans une perplexité sans égal. B. proie à d’étranges fantasmes, invita tous les présents à lui faire l’amour. Elle tire de sa main vigoureusement sur ses organes génitaux faisant don à tous ceux qui la regardent. La consternation est générale. les clients de Chadli sont un mélange d’étudiants, de chômeurs diplômés ou petits fonctionnaires. Bref, comme les clients en bas de l’échelle sont d’habitude simples et compatissants, chacun de son côté semble s’apitoyer sur le sort de la misérable B.
« Elle a vraiment perdu la tête ! » dit une voix dans la cohue. » Qu’est-ce qu’on a fait d’elle, la pauvre ? » dit l’autre dans la foule.
Chadli commanda immédiatement des vêtements de chez lui. « Oh les canailles ! Ils ont dû lui faire boire de ces saloperies ! » S’écria Rabi. « Oh oui sûrement, elle doit être sous l’effet des barbituriques ! » affirma Chadli, la main sur le front. En dépit de sa taille courte, il avait la finesse de parler aux grands, de moquer les malins et de séduire son auditoire. Jamais on ne peut savoir quand il est sincère. Bref, Il savait garder bonne mine malgré ses crises d’hypertension. Traditionnel dans ses habits et classique dans sa poésie, Chadli fait montre de beaucoup de goût à la vie. Ainsi, l’était son défunt père d’ailleurs. Un Si Ahmed qui a apporté beaucoup de bien à la ville en matière de sport que ce soit dans le domaine footballistique ou martial. Et c’est grâce à lui que de nombreux habitants du nouveau quartier connurent le plaisir des sorties en famille. Cela fut dans les années soixantes du siècle dernier. Si Ahmed, enseignant à lépoque qui étudia à tétouan, l’une des villes les plus prospères du maroc oriental à ce moment là. En 1913 , dailleurs, elle devient la capitale du protectorat espagnol. la ville a subi tellement d’influences andalouses qu’elle fut surnommée « la fille de Grenade » ou « la colombe blanche » pour sa blancheur. foyer plus impacté par la civilisation éspagnole. Comme il y avait des établissements scolaires réputés. Tétouan est devenue le péleringe des élèves et étudiants de toute la région. Mon père que dieu l’ait en sa miséricorde ! jugea bon d’envoyer mes deux frères ainés poursuivre leurs études dans « ce temple du savoir »… Si Ahmed que dieu ait pitié de son âme ! faisait partie de la première élite instruite qui révolutionna les us et coutumes de ses concitoyens alors que le zaio actuel n’était qu’un village pour ne pas dire une bourgade…j’espère que vous comprendrez pourquoi certaines digressions sont utiles chers amis.
Les vêtements arrivent et tout le monde concourt à l’habillement de la victime avec toute la magnanimité désirée. La pauvre B, rebiffa et rechigna au début puis finit par céder et ne montra plus aucune réticence.
Chadli lui servit en vitesse un hamburger et une boisson gazeuse. Le sandwich, avec l’odeur suave de la viande hachée mêlée aux œufs ont bouleversé la tête de la pauvre endiablée et lui changèrent aussitôt l’orientation des idées. Elle se tint immobile et médusée contre le comptoir en verre transparent et ne dit mot. Elle regardait tantôt les étals, tantôt les visages qu’elle essayait de brosser avec des regards moins antipathiques mais désespérés. Elle mangea avec avidité. La déshéritée se contenta de sourire en récompense tout en réalisant que ces nouvelles gens sont différents de ces garnements qui ne voyaient en elle qu’un objet de plaisir…
Toujours au rendez vous
Bravo
“” Pelerinage”