Ramadan est le neuvième mois de l’année de l’hégire au cours duquel les musulmans doivent s’astreindre au jeûne entre le lever et le coucher du soleil. Il dure 30 ou 29 jours .La veille de ce mois –ci, tout le monde allait au trot.
Certaines personnes faisaient la mouche du coche, d’autres gobaient des mouches. Les femmes écumaient comme une mauvaise mer. Elles se foulaient la rate, se serraient les unes contre les autres comme si une guerre allait éclater
Les vieilles trainaient leurs pieds dans des souliers éculés. Très embarrassées, elles faisaient beaucoup d’allées et de venues. Les marchands de fruits et de légumes appelaient les clients à haute voix en se servant de douces paroles.
Ceux-ci, avec un sourire hilare faisaient leurs emplettes sans se rendre compte qu’ils gaspillaient énormément leur argent. Les jeunes filles bien peignées, cherchaient à frayer un chemin pour aller vaquer à leurs affaires. Les puceaux les dévoraient de leurs yeux pleins par-dessus les bords. C’était pour les draguer ou pour fixer peut-être avec elles un rendez-vous. J’avais remarqué que cela n’avait pas l’air de coller. Leurs mamans faisaient semblant de n’avoir rien vu. C’était déshonorable ! On se souciait de la commission comme de colin-tampon. Les poissonniers vendaient leurs poissons à la criée. Les bouchers coupaient leur viande par tranches et étalaient en même temps les morceaux
pour les vendre. Les marchands ambulants emplissaient les rues. On les trouvait partout. Avec leurs chariots chargés de toutes sortes de marchandises, ils parcouraient les quartiers populaires afin de gagner leur pain à la sueur de leur front. Hommes et femmes faisaient la navette, achetaient tout ce dont ils avaient besoin sans marchander malgré la cherté de vie. Les épiceries grouillaient de monde. Pour un brin d’épice, il fallait faire le pied de grue. Au centre de la ville, c’était du pétrin ; du brouillamini ! Au souk, c’était du brouhaha, du beau tapage. On n’entendait plus rien. Quel brouillage ! On était bloqué. On ne pouvait plus avancer d’un seul pas. C’était plein à craquer ! Quand on jetait un coup d’œil envers les boutiques, on dirait l’entassement d’une famille pauvre dans une piaule. Les boutiquiers tout éperdus trouvaient des difficultés à servir leurs clients de plein gré. Les boulangeries, les pâtisseries regorgeaient de monde. C’était du comble ! On y trouvait plus de place. Chacun avait un travail dont il devait s’occuper seul. On s’adressait aux citoyens poliment pour ne pas blesser leurs sentiments. En regardant autour de moi, je me trouvais incapable de bouger. Des chemins sans issue. « Comment faire pour me tirer de cette foule en surnombre ?» dis-je C’était effarant ! En un clin d’œil, les marchandises abondaient sur le marché. Les vieilles dames assises sur les pavés passaient le plus clair de leur temps à extravaguer. A la fin de leur bavardage, elles trouvaient des difficultés à se
relever comme si on les avait jetées sur un million de ressorts. C’était désopilant ! Mais ça ne cassait à rien. Si elles n’étaient pas à jeun, elles y resteraient jusqu’à la tombée de la nuit. N’est-ce pas une folie ? Une maladie mentale ?
Parler longuement avec un entassement de bévues, c’est perdre une grande partie de son temps à ne rien faire.
En tout cas, il est mal de se conduire déraisonnablement. Les vieillards bavardaient comme des perroquets, les plus avancés en âge essuyaient avec leurs mouchoirs la bave qui s’échappait de leur bouche. D’autres se mordaient les lèvres pour avoir dit ou fait quelque chose de mal à autrui, se tortillaient les hanches, se mouchaient de temps à autre .Leur conversation me tournait le sang. Les conducteurs d’automobiles, à bout de forces, appelaient les voyageurs à venir monter dans leurs voitures pour les ramener chez eux ou les déposer partout ailleurs. Leurs klaxons stridents résonnaient mal dans la tête des gens. Un chauffeur m’avait dit qu’il se couchait le soir avec un
terrible mal de tête. Les véhicules circulaient à toute vitesse. On rentrait chez soi les nerfs crispés, le cœur brisé, la tête lourde, le visage suant. C’était dégoûtant ! Le pouvoir d’achat dépassait celui de la consommation qui se faisait à grands frais. L’argent coulait des doigts comme la rouille qui consume le fer. C’était bizarre ! Je ne veux pas dire que les citoyens sont tous riches mais chacun voulait vivre à sa façon, chacun avait de quoi vivre. On travaillait à plein bras, on discutait à perte de vue malgré la faim qui tenaillait l’estomac, la soif qui desséchait l’organisme. Dévorées par la terreur, impatientes, les dames faisaient la queue devant les épiceries. Leurs enfants les suivaient pêle-mêle comme de petits poussins. D’autres sautillaient derrière elles comme des moineaux. C’était un phénomène de les entendre jaser comme des pies .A l’approche de la rupture du jeûne, c’était de la brouillerie, un autre monde. Les rues devinrent bruyantes, encombrées par l’embouteillage de la circulation. Ce qui me fendit l’âme, c’était des bagarres qui se déclenchaient à l’improviste. Quand un bruit se produisit, on affluait de tous les coins pour assister à la querelle. Des rangs serrés d’hommes et de femmes barraient le passage. L’idée de me joindre au combat me soulevait le coeur. Je restais décérébré devant ce qui se passait. Des mots choquants me turlupinaient. Une émotion très vague me submergeait. C’était désolant, embêtant ! Les querelleurs sombraient dans leur folie sans discontinuer
C’était comme une étagère qui déployait sous de vieux livres. On continuait à vociférer des injures jusqu’à satiété. On avait horreur d’entendre dire des insanités au vu et au su de tout le monde. Comme c’était moche ! Lorsqu’un appel à la prière se fait entendre, on faisait la sourde oreille, on s’en fichait. Les hommes de mauvaise foi prenaient le muezzin pour un chanteur de charme. C’est un cas pendable ! Ramadan n’est pas un mois de distraction, de plaisanterie, de divertissement mais un mois d’adoration, de joie, de réjouissance, de supplier Dieu qu’il pardonne nos péchés, qu’il exauce nos prières, qu’il nous préserve de ses châtiments infernaux, qu’il nous fasse entrer dans
son Paradis. Hein ! Ce qui me vexait c’est que beaucoup de croyants jeûnaient mais n’avaient jamais franchi le seuil de la mosquée. Ils débarrassaient très souvent ce lieu sacré comme on déserte son foyer. Au lieu de passer la nuit à prier, à lire le Coran, à écouter ce que leur dira le sermonneur, ils préféraient la passer dans une cafétéria à fumer, à boire, à rigoler et à rire aux éclats en compagnie de leur copains. Personne ne sait ce qui va se passer dans l’autre monde. Ramadan est donc un mois de prières à pause, d’invocation, de lecture coranique, d’imploration. L’imam en parlera constamment. Tout cela se fait par acquis de conscience afin de réserver sa place dans l’au-delà, avec les
hommes pieux qui craignent leur Seigneur, qui désirent voir son visage le jour du jugement dernier pour l’avoir servi humblement dans ce monde-bas. Méfiez-vous, la mort est plus proche de nous que la paupière de l’œil. A l’approche de l’appel à chaque prière, on accourt de toutes les parts pour aller prier à la mosquée. J’ai vu pas mal de gens qui y causaient du trouble. Est-ce que ce genre de types ont perdu conscience ou bien ils le faisaient exprès dans le but de semer la zizanie entre les priants ? Selon mon opinion, on n’y va que pour adorer Dieu, pas pour y faire du théâtre.
Certaines personnes y viennent avec un cœur gros, une paire d’yeux ardents de colère. Au lieu de faire bonne figure, ils se mettent à rire aux anges, du bout des dents. Bientôt ils devinrent la risette de toute la mosquée. Non, non et archi-non ! la mosquée est un édifice sacré. Allez-y écouter les conseils de l’imam. Son enseignement à dire d’expert est un lavage de cerveau, une consolation. De toute façon, c’est une chose remédiable et non résiliable. On dit que deux n’apprendront pas : le timide et l’orgueilleux. Allez-y faire la lecture coranique. N’abandonnez pas votre esprit à la rêverie. Cela ne vous mènera à rien. Visitez la maison de Dieu continuellement en compagnie de vos enfants avant qu’ils s’égarent. Apprenez –leur à lire le Coran, à faire la prière en votre présence. Vous êtes responsables de
leur éducation. Ne prêchez pas dans le désert. Ne les traitez pas à la dure. Ne leur répondez pas à la grosse. Cela n’est pas acceptable. Conseillez-vous, respectez-vous, renseignez-vous ; ne vous détestez pas, continuez à vous aimer afin de ne pas défaire les liens d’amitié. On dit que le croyant est le miroir de son frère. Que chacun de nous sache que les démons sont tous entravés, enchainés durant le mois de ramadan. Les fosses infernales sont bondées
Ramenez le désespéré à la réalité. Aidez-le à faire un effort avant qu’il tombe dans le guêpier .Les portes du Paradis sont ouvertes à tout le monde. Ceux qui préfèrent vivre dans l’abstrait, le feu les attend pour les dévorer. Donc, il ne faut pas rater cette bonne occasion. Il est facile d’entrer au Paradis mais difficile de sortir de l’enfer. Les indignés s’en repentiront demain, le jour de la résurrection. Leur compte y sera définitivement réglé. C’est l’entrée à l’enfer.
Que Dieu nous en préserve ! Amen ! La nuit du destin, les mosquées regorgent de monde. Quelle réplétion ! C’est la clôture des sections du coran en entier. A l’extrémité de la prière, on sert aux priants des plats pleins de couscous avec du poulet en dessus ou de la viande. On en mange de bon appétit. C’est fumant ! L’imam sourit à n’importe qui après qu’on lui avait remis l’argent qu’on lui avait amassé. Je tiens à vous rappeler que le début du ramadan est une clémence, son milieu est une rémission, sa fin est une délivrance de l’enfer. Ah ! Si tous les mois étaient comme ceux de ramadan ! En fin de compte, je remercie infiniment les agents de police qui veillent sur nous. Sans leur aide, sans leur intervention dans le différend, chacun aurait agi à sa guise et les choses seraient tournées au tragique !
Ecrivain : Moumni, enseignant retraité, demeurant à Zaio, Province de Nador (Maroc)